Le marketing d’influence au Luxembourg : entre passion, frustration et espoir de changement

Alors que le marketing d’influence explose à l’échelle mondiale — une industrie estimée à plus de 220 milliards d’euros par Goldman Sachs —, la réalité est bien différente pour les influenceurs au Luxembourg. Malgré une audience engagée sur les réseaux sociaux, de nombreux créateurs de contenu luxembourgeois affirment qu’il est presque impossible d’en vivre. En cause : les entreprises locales restent peu enclines à rémunérer les collaborations.

Des efforts considérables pour peu de reconnaissance

Olia, fondatrice de la page Instagram Women of Luxembourg, explique : « Nous investissons énormément de temps, mais les entreprises ne considèrent pas cela comme du travail. » Selon elle, la promotion de marques ou de services est un moyen évident de retour sur investissement. Pourtant, de nombreuses propositions restent non rémunérées, malgré les bénéfices générés pour les marques.

Julie Costa, créatrice du compte Luxembourg does it best, suit le même constat. Avec plus de 38 000 abonnés, elle met en lumière les traditions et événements locaux. Pourtant, les propositions qu’elle reçoit sont souvent limitées à des repas ou boissons offerts, sans compensation financière. « Créer une vidéo peut me prendre entre 4 et 7 heures. J’aime soutenir les entreprises que j’apprécie, mais je ne vois pas pourquoi je devrais travailler gratuitement pour celles qui ne respectent pas mon travail. »

Un écosystème encore frileux

Pour Olia, le problème vient surtout de la mentalité des entreprises luxembourgeoises. « Elles préfèrent investir dans des panneaux publicitaires à 20 000 € plutôt que de payer quelques centaines d’euros pour un post qui pourrait avoir bien plus d’impact. » D’après Stephanie Jabardo, créatrice de contenu lifestyle, les rémunérations varient de « zéro à mille euros » par campagne, un chiffre dérisoire face au temps et à l’expertise exigés.

Le métier d’influenceur exige en effet de nombreuses compétences : photo, vidéo, gestion de communauté, stratégie. « Je consacre entre 15 et 20 heures par semaine à la création de contenu. C’est un emploi à temps partiel, mais je suis loin d’être payée à la hauteur », confie Olia.

Une industrie en retard sur les tendances mondiales

Selon Louis Loschetter, co-fondateur de l’agence de marketing Skandal, le Luxembourg accuse un retard certain : « Le pays est souvent à la traîne en matière de tendances digitales et de stratégies sur les réseaux sociaux. »

Même constat pour Jabardo : « Ici, les grandes campagnes sont souvent gérées depuis l’étranger, notamment les pays du Benelux. Il n’y a pas vraiment d’agences locales représentant de grandes marques. » Pour elle, les entreprises privilégient encore des méthodes traditionnelles, et n’exploitent pas le plein potentiel du marketing d’influence.

Collaborations gratuites : encore une étape obligée

Malgré les difficultés, de nombreux jeunes créateurs de contenu au Luxembourg continuent d’accepter des collaborations non rémunérées pour se faire connaître ou construire un portfolio. « J’ai accepté certaines collaborations gratuites pour créer des relations, ou parce que j’aimais simplement la marque », explique Olia. Cela lui a permis d’élargir son réseau, précieux alors qu’elle est en recherche d’emploi.

Des signes de changement

Tout n’est pas perdu. Selon Loschetter, certains petits commerces et restaurants commencent à percevoir la valeur des partenariats digitaux. « Aujourd’hui, quand les gens veulent découvrir un restaurant, ils consultent TikTok ou Instagram, pas Google. »

Le marketing d’influence au Luxembourg entre peu à peu dans une phase de croissance, similaire à ce qu’ont connu d’autres pays il y a quelques années. « Pour les PME, travailler avec des créateurs de contenu peut générer une grande visibilité avec un budget réduit », affirme-t-il.

Les nouvelles générations jouent aussi un rôle essentiel. « Les jeunes de 16 ou 17 ans sont déjà très actifs dans la création de vidéos. Ils sont nés avec ces outils », observe-t-il. L’époque où créer du contenu était mal vu semble révolue.

l’influence au Luxembourg, une passion avant tout

Malgré les freins, les créateurs de contenu luxembourgeois ne baissent pas les bras. Leur passion pour la création et la communication les pousse à continuer, même en l’absence de rémunération juste. Mais si le marché local ne s’adapte pas, le risque est de voir ces talents se tourner vers d’autres pays ou plateformes plus valorisantes.